Les chèques impayés
L’évolution des moyens de paiement
Avec le développement exponentiel des moyens de paiement électroniques, l’usage du chèque est en net repli. Cependant, contrairement à de nombreux pays d’Europe où il a complètement disparu, la France reste un pays où le paiement par chèque est encore courant.
3 milliards de chèques étaient émis en 2010 et ce sont encore plus d’1,5 milliards de chèques qui ont été faits au cours de l’année 2019, par des professionnels comme des particuliers.
Au cours de la même période, les paiements par virement ont bondi de 25% et sont passés de 3 milliards à plus de 4 milliards, et le nombre de paiements électroniques a progressé dans les mêmes proportions.
Cette évolution des moyens de paiement et de l’usage du chèque est normale et plutôt une bonne chose. Une bonne chose car le chèque est un moyen de paiement lourd, dont le traitement est long et couteux, surtout pour les banques.
Mais aussi une bonne chose car contrairement au virement bancaire, le chèque est un moyen de paiement incertain, et dont le mécanisme de traitement peut conduire à la survenance d’un impayé plusieurs semaines après son encaissement.
Les causes du chèque impayé
On entend par « chèque impayé » l’ensemble des causes prévues par la réglementation et qui permettent à votre banque de débiter un chèque jusqu’à plusieurs semaines après vous l’avoir crédité. Ce délai correspond en fait tout simplement au délai nécessaire à votre banque pour vérifier auprès de la banque du tireur que le paiement est réel, consenti et couvert par le solde du compte.
La définition même de chèque impayé peut donc prendre plusieurs formes, en fonction des causes de l’impayé lui-même.
Les causes du chèque impayé sont donc multiples.
L’opposition sur chèque
Tout d’abord, le chèque peut être impayé en raison d’une opposition. L’opposition est formulée par le propriétaire du chèque et rend invalide le chèque émis postérieurement à cette opposition. L’opposition est possible en cas de perte ou de vol du chéquier. Attention une opposition abusive (c’est-à-dire formulée après avoir émis le chèque et pour éviter qu’il ne soit honoré) est un délit qui peut donner lieu à des poursuites pénales. Les peines encourues sont d’ailleurs très lourdes puisque le porteur du chèque encourt outre l’interdiction d’émettre des chèques une peine d’emprisonnement de 1 à 5 ans ainsi qu’une peine d’amende pouvant atteindre 375 000 euros…
Le rejet du chèque
Le rejet d’un chèque peut aussi être la conséquence d’un problème administratif tel que le défaut de mentions obligatoires, les informations discordantes, l’erreur de signature, la rature ou même la péremption du chèque qui ne peut être encaissé que pendant un an et 8 jours. Pensez donc à vérifier que les mentions inscrites sur le chèque par le tireur sont exactes, et que le signataire est bien habilité à émettre ce chèque.
Enfin, le rejet du chèque peut être la conséquence d’une provision insuffisante sur le compte du tireur, situation qui nous intéresse particulièrement.
Le défaut de provision
Si un chèque est émis alors que le solde du compte bancaire correspondant (découvert inclus) ne permet pas d’en couvrir le montant, on dit alors que le chèque est « sans provision ».
Dans ce cas là, la banque du tireur va décider de rejeter le chèque ou de l’honorer (à ses risques et périls). En cas de rejet elle va alors adresser une lettre à l’émetteur du chèque et lui laisser un unique délai de 7 jours pour procéder à la régularisation de la situation et provisionner son compte bancaire.
Au-delà de ce délai de 7 jours, le chèque sera rejeté, la banque du bénéficiaire en sera avisée et le montant impayé sera alors débité du compte du bénéficiaire. L’impayé du chèque peut en effet être partiel et la banque peut décider d’honorer le chèque à concurrence du crédit porté sur le compte du tireur.
Après ce premier rejet, la banque du bénéficiaire va lui retourner le chèque impayé accompagné d’une attestation de rejet. Le bénéficiaire doit alors prendre contact avec l’émetteur du chèque afin de trouver soit une solution de paiement alternative, soit de procéder à une nouvelle présentation du chèque si la provision est constituée auprès de la banque.
Si le chèque revient de nouveau impayé, il ne pourra alors plus être représenté et son émetteur devra nécessairement payer par un autre moyen, et contre récépissé afin de justifier auprès de sa banque du paiement du chèque et régulariser l’incident.
Tant que le chèque demeurera impayé et que l’incident de paiement ne sera pas régularisé, son émetteur sera soumis à des contraintes administratives et il perdra notamment le droit d’émettre à nouveau des chèques.
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La procédure
Alors que le rejet d’un chèque pour une cause administrative peut faire l’objet d’une régularisation par son émetteur (et nécessite donc la réalisation d’un nouveau chèque), le chèque impayé pour défaut de provision peut faire l’objet d’une régularisation. C’est lorsque cette régularisation n’aura pas pu intervenir que le législateur a prévu une procédure spécifique dédiée au recouvrement des chèques sans provision.
Face à un émetteur de mauvaise foi ou dans l’incapacité de régler sa dette, il est nécessaire d’engager une procédure spécifique pour les chèques sans provision. Cette procédure est spécifique puisque, compte tenu de la gravité de la situation et de son caractère incontestable, la loi prévoit que le titre exécutoire sera dressé par l’Huissier de Justice, sans audience ni tribunal, et surtout sans aucun recours possible.
Le chèque sans provision est donc la seule cause pouvant conduire à la délivrance d’un titre exécutoire (document ayant la valeur d’un jugement et permettant notamment d’engager des saisies), selon un schéma purement administratif et surtout sans aucun recours ni voie de contestation possible (ni appel ni opposition). Inutile donc, comme pour une facture impayée ou une créance plus « classique » de partir sur la voie de l’injonction de payer ni même de procéder à l’envoi d’une lettre de mise en demeure à l’encontre de la personne émettrice du chèque.
Avant que l’Huissier ne puisse dresser ce titre exécutoire, il devra en premier lieu solliciter de la banque du tireur un « certificat de non-paiement » qui atteste à la fois du défaut de provision lors de l’émission du chèque mais également de la carence du débiteur qui n’aura pas cherché à bloquer une provision nécessaire pour apurer sa dette (somme d’argent consignée sur un compte dédié et destinée au paiement du chèque sans provision).
Le certificat de non-paiement doit être signifié au débiteur par acte d’Huissier avec un commandement de payer sous 15 jours, et passé ce délai l’Huissier va alors dresser son titre exécutoire. Le certificat de non-paiement est bien un document émis par la banque du tireur (du client en situation d’impayé) attestant du défaut de paiement pour insuffisance de provision et permettant au créancier de consacrer sa créance sans avoir recours à la justice.
Le créancier ou le fournisseur victime de l’impayé pourra ensuite engager le recouvrement forcé de sa créance selon les voies d’exécution habituelles (saisie bancaire, saisie du véhicule ou saisie du mobilier…).
L’intégralité des frais de procédure est à la charge du débiteur et vient donc s’ajouter au montant du chèque impayé.
Les conséquences d’un chèque impayé peuvent être terribles pour une entreprise. Si le paiement d’un client effectué par chèque semble honoré dans un premier temps, le montant impayé sera par la suite débité des comptes bancaires de l’entreprise et à charge pour elle de compenser ce débit et d’assurer le recouvrement de sa créance, seule ou par l’intermédiaire d’un service de recouvrement ou d’une étude d’Huissier de Justice.